top of page

***************************************************************************************************************

question1: multimédia / avant-garde

question2: hypertexte

question3: LAb[au] références historiques

question4: art interactive


***************************************************************************************************************
Du Design au MetaDeSign


Au sein du LAb[au], Manuel Abendroth, co-fondateur de ce laboratoire d'architecture, d'urbanisme et production artistique multimédia, mène un travail de recherche théorique. Tant sur la toile que dans leurs installations et performances, LAb[au] élabore un " MetaDeSign " qui exploite et étudie les implications des nouvelles technologies de la communication et de la computation dans les structures spatio-temporelles ainsi que dans leurs formes de représentation. Une aventure qui fait d'un méta-laborantin le candidat idéal à un retour vers le futur qui passerait par les multi-présents d'un techno-passé à redécouvrir.


++ Le terme "multimédia" que l'on retrouve associé aux nouvelles technologies de l'information peut être également employé en relation avec l'interdisciplinarité. Que recouvre, pour toi, cette notion en regard de certaines oeuvres techno-artistiques du siècle passé ?


A mon sens, le terme " multimédia " n'est pas adéquat si on parle de nouvelles technologies. Cela désignerait plutôt un terme qui relève de la production artistique non numérique. Par contre la recherche menée dans l'art multimédia permet de comprendre quelques-uns des changements qui s'effectuent actuellement dans l'art numérique. Historiquement, je crois que l'on peut parler de l'art multimédia depuis les futuristes et les dadaïstes qui ont brisé les catégories traditionnelles de l'art comme celles de la peinture où de la sculpture…Prenons, par exemple, les sculptures polyphoniques de Luigi Russolo où les créations dadaïstes produites dans le cadre du Cabaret Voltaire, il est impossible de les classifier dans des catégories traditionnelles d'autant plus qu'elles font appel à des médias divers tout en mettant en question les pratiques artistiques jusqu'au statut de l'artiste même. En conséquence il ne s'agissait pas uniquement de l'emploi des différents médias et technologies mais également d'une conception nouvelle de l'art et du rôle de l'artiste. La question qui se pose pour nous est celle-ci : comment les technologies influencent la production d'artefact donc celle du signe et du langage et comment à travers ceux-ci de nouvelles pratiques artistiques émergent ?
Avec les technologies numériques, toute information est le produit d'un processus de computation, traitement de données, et de communication, transfert de données. Que ce soit un texte ou une image, tout est réduit à une séquence binaire permettant tant sa transmission à travers différents canaux que son interconnexion ou des mises en forme. Il s'agit donc d'un système qui unifie l'information à une même unité de base ce qui a comme conséquence de parler plutôt d'un média ou d'un " hypermédia " que de multimédia. Prenons par exemple, " Broadway Boogie Woogie ", une des dernières peintures réalisées par Mondrian à la fin de sa vie (1944) qui montre la ville de New York vue d'un gratte-ciel, en écoutant une composition du jazz. Dans ce tableau, Mondrian faisait un trait d'union entre ses recherches sur l'espace pictural avec celles de l'architecture et de la musique. Comme pour les peintures de Kandinsky basée sur la musique de Moussorgski, il s'agit d'un système d'analogie donc de rapprochement entre des codes visuels, sonores et spatiaux. Avec les technologies numériques, il ne s'agit plus d'une analogie, puisque que les différentes sources d'information, l'image ou le texte se fonde sur la même unité de base et tout ce qui est mis en relation doit être programmé et représenté pour constituer un langage, un système de signe. Dans le rapport image/musique, certaines des pièces de Xenakis sont des exemples pertinents de ces relations " programmées " - je pense plus particulièrement aux Polytopes - comme le sont toutes les formes d'audio-visualizers (visualisation de niveau/fréquence ou autre du son). En ce qui concerne les technologies numériques, il est évident qu'il ne s'agit pas de plusieurs médiums comme le suggère le terme multimédia mais d'un seul médium, un hypermédia qui unifie toutes les formes d'expression (son, visuel,…) et qui permet leur mise en relation " programmée " et leur interconnexion.
 

++ Avec LAb[au], tu t'es beaucoup intéressé aux grands pionniers de la cybernétique et la théorie de la communication (Mc Luhan, Wiener et d'autres) notamment dans vos recherches sur l'hypertexte. Quels sont aujourd'hui les principaux enseignements à en retirer pour la "création hypermédia" ?


L'hypertexte, peut-être en conséquence de sa dénomination, induit, pour beaucoup de gens, qu'il s'agit d'une forme d'écriture, une forme narrative. Par contre, l'hypertexte, comme le définit Nelson, l'inventeur du mot, est un système d'indexation d'information permettant l'interconnexion de documents distinct à l'aide d'hyperliens tout en procurant les instructions nécessaires pour sa visualisation sur un écran. Le préfixe " hyper " décrit la couche d'information supplémentaire qualifiant un document par rapport à sa localisation, à son indexation dans une structure celle-ci permettant des interconnections avec d'autres documents. La couche dénommée " meta " qualifie, quant à elle, le niveau sémantique (hyperlien) et l'ensemble des éléments graphiques qui les représentent (signe). Par rapport à cette définition de l'hypertexte qui date des années 60, on peut dire qu'à l'heure actuelle, l'augmentation de la puissance computationelle des outils de traitement de l'information permet de plus en plus l'interconnexion entre différents types d'information (documents textes, visuels, sonores…), ce qui amène à parler plutôt d'hypermédia que d'hypertexte. La question d'hypermédia relève donc de la question de logique de structuration d'information autant que des logiques inter relationnelles entre ces différentes formes d'expression, comme par exemple une musique visuelle, un texte spatial, ou encore que de leur forme de représentation, donc du signe et du langage. Il en résulte que dans le domaine des nouveaux médias, il est nécessaire de mener un travail tant théorique que pratique dans l'élaboration d'un langage et d'une méthodologie propre au médium numérique. C'est avec cet objectif que nous travaillons depuis la création du LAB[au] à l'élaboration de méthodologies que nous regroupons sous le terme de " MetaDesign ", pour essayer d'articuler nos concepts dans une démarche plus générale. Connaître et surtout comprendre un médium est essentiel. Il faut donc connaître son historique mais également comprendre quels étaient les intentions fondatrices qui ont provoqué son évolution.
 

++ Parmi les avant-gardes de la modernité qui se sont positionnées dans le rapport art-technologie, quels sont celles qui te semblent aujourd'hui particulièrement fondatrices par rapport à cette relation en constante interaction et en quoi précisément ?


Pour nous et dans le domaine artistique, les travaux ou mouvements les plus " initiateurs " ne relève pas uniquement de l'expérimentation artistique mais surtout d'une démarche théorique et méthodologique ayant comme but l'articulation du système de signe par rapport aux modalités spécifique des media/technologies en une forme cohérente. Les travaux des artistes du Bauhaus et ceux des constructivistes russes sont très parlant dans leur rapport aux technologies et à la recherche méthodologique, proposant la fondation d'un art et d'un statut d'artiste nouveaux à travers une approche basée sur les changements sociaux et politique, qui sont bien évidemment en relation aux progrès technologiques. Ce qui dans l'exemple du Bauhaus est l'industrialisation et l'émergence du design ou dans le cas de l'école de Ulm, la post-industrialisation avec le design industriel, correspond aujourd'hui à la révolution informationnelle et au MetaDeSign. Avec chaque avancée technologique, de nouveaux codes (sémantique) et méthodes (pratique) émergent. Par ailleurs, on peut remarquer qu'ils sont souvent révélés par les termes qui les désignent. L'apparition du concept de " design " autour du Bauhaus (et particulièrement avec El Lissitzky) avait donc pour but de qualifier des enjeux artistiques en relation aux changements technologiques et sociaux afin de réintroduire ceux-ci dans le concept même de l'art.

Mais parler d'un système de signe et de la " signification " indique non seulement la signification que quelque chose prend pour nous, mais également notre intention à son égard, ce qui ramène la sphère technique à la mise en place d'engagements mais aussi de disciplines. Il s'agit donc d'une définition du champ artistique entièrement intégré dans l'ensemble des autres sphères, autant au niveau culturel que social, économique ou même idéologique. Mais pour poursuivre ton interrogation quant aux différentes avant-gardes et leurs fondements dans la relation création-technologie, je me referais à une citation célèbre de Marshall Mc Luhan, " the medium is the message ". Les technologies ne sont pas des systèmes externes mais font intégralement partie de notre système sensoriel et cognitif donc déterminent les modes de communication/expression comme la manière dont nous percevons et concevons notre environnement. C'est aussi pour ça que la révolution technologique en cours a tellement d'importance tant au niveau ontologique qu'esthétique.


++ Avec la généralisation du numérique, on s'interroge de plus en plus sur les notions d'interactivité entre le créateur et le destinataire via la technologie et d'interface avec la machine. Comment ces concepts sont-ils apparus au 20ème siècle et comment se sont-ils manifesté dans le champ artistique ?


Sans rentrer dans une réflexion trop approfondie que cette question mérite mais que nous ne pouvons développer ici, on peut avancer que chaque œuvre d'art, chaque forme d'art établit une relation spécifique entre le créateur et le destinataire. Si on considère, par exemple, une peinture Op Art qui joue avec les phénomènes visuels, il est évident que, dans la conception même de l'œuvre et dans son accrochage, l'artiste a directement inclus le visiteur tant au niveau de son système perceptif (l'œil) que par rapport à sa réaction cognitive (son déplacement). Ces modalités spécifiques déterminent la signification de l'œuvre (être une peinture - être de l'art…) et établit une relation étroite entre l'artiste, l'œuvre, le visiteur et le contexte.

Par contre si on veut parler de l'interactivité et de la création d'interface et pour que ces termes aient un sens, il faut les restreindre aux technologies digitales et à des spécificités tant perceptives et cognitives que techniques. Avec le médium digital, toute information est le résultat d'un processus de computation et de communication ; elle n'existe donc pas avant ce déroulement. Une image que nous regardons sur un écran n'est pas stockée en tant que telle dans l'ordinateur mais est le résultat d'une instruction qui lance un processus dans les séquences binaires qui sont interprétées à l'aide d'un langage pour donner une certaine forme de représentation visuelle, une signification. Ce qui est fantastique c'est que la même séquence binaire pourrait être utilisée pour générer un son. En résumé l'information est un processus qui reste modifiable à tout moment et qui nécessite tant un système de langage qu'une représentation pour atteindre une signification. Avec les technologies de l'information, l'interaction entre information et utilisateur révèle d'autant plus le design du processus ou de systèmes ouverts allant jusqu'au point de modifier entièrement les données ou l'information de départ. Ainsi les technologies de l'information, à travers de nouvelles formes d'organisation, de stockage et de traitement des données, sont l'expression de nouvelles formes de sens comme la pensée processuelle et réticulaire. Mais par rapport à cette définition de l'interactivité basée sur l'implication active de l'utilisateur dans le processus d'information et dans sa structuration, on en est, à mon opinion, qu'au tout début.

Pour revenir à la question historique et à la création artistique, je situerai l'émergence d'oeuvres programmées aux années soixante autours des recherches de visualisation de la musique et aux synthétiseurs de sons et d'images comme par exemple le 'animac' (http://www.audiovisualizers.com/toolshak/vsynths.htm), les travaux de Nam June Paik ou de Gerald O' Grady, même si a cette époque le concept d'un langage de programmation était encore au stade embryonnaire et la technologie souvent plus analogique que digitale.

Si l'on parle d'interface et en dehors du clavier, la première interface hardware et software (visuelle) est une application militaire américaine des années cinquante, un système de surveillance de l'espace aérien qui permettaient aux opérateurs munis d'un pistolet optique d'interagir avec les avions représentés par des petites croix sur un écran circulaire. Mais la première interface "moderne" devenue standard, la souris, n'a été developpée qu'au début des années 70 par l'ingénieur américain Douglas Engelbart au Xerox Parc, un des premiers laboratoire de recherche s'intéressant aux structures de l'information sous forme graphique pour une application essentiellement bureautique. De ce laboratoire vient également le terme de G.U.I. (graphical user interface), et c'est également eux qui ont développé le concept du "desktop" qui est devenu l'interface prédominante de tous les operating systems (Windows, MacOs, Linux...), donc ces deux "concepts" constituent un domaine relativement neuf dans la recherche d'interface entre l'homme et la machine.

Mais pour moi déjà le film d'odyssée 2001 de Stanley Kubrick parvient à mettre en rapport une vision plus large de la technologie avec la question de l'intelligence, de l'évolution de l'homme et de la culture. D'ailleurs sur le site de http://www.2001exhibit.org/2001_splash.html il y a dans la rubrique - art toute une collection des écrans d'ordinateurs (interface graphique) à travers lequel les astronautes visualisent les processus et interagissent avec l'ordinateur HAL et ça remonte en 1968 avant même que ces systèmes existent ! Même s'il ne s'agissait pas d'une vraie interface mais de projections et d'animations il reste assez incroyable de voir ce que Stanley Kubrick et son équipe ont réussi à projeter à partir de la recherche technologique de leur temps pour réaliser ce film et a quel point ils parviennent à intégrer toutes les questions fondamentales que posent l'ordinateur et la technologie. Mais en règle générale, je crois que les jeux vidéo et les expérimentations musicales constituent les terrains le plus explorateurs dans ce domaine de l'interface.

Du Design au MetaDeSign

inter_trans_view
Philippe Franck, Transcultures & Manuel Abendroth, LAb[au]
pour: l'art même, nr18 2003

Written and recorded interviews of and about the Belgian art studio LAb[au], art & language, art & architecture, digital art, conceptual art, and konkrete Kunst, 

LAb[au] is working on the relationship between: architecture & art - language & art, at the crossing of conceptual, concrete, and digital art.

official logo of LAb[au]
bottom of page