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De retour de Lyon après un trajet de TGV dominical qui a semblé étrangement plus long et plus morne que le trajet aller, The Creators Project investit Paris et la Gaîté lyrique à partir de jeudi. On présentera des installations numériques inédites, des films, dont la première française du court-métrage de Spike Jonze, et deux soirées exceptionnelles avec des gens comme Squarepusher, Glasser, Adam Kesher, Yuksek, Acid Washed et Club Cheval.

Entre ces deux soirées déconneuses, la Gaité lyrique hébergera également des ateliers et conférences de haut vol. Des artistes, designers, praticiens et parfois pionniers des arts numériques évoqueront ensemble l’actualité des nouveaux arts médiatiques et les problématiques auxquelles sont confrontés ces disciplines encore émergentes en Europe.

Le collectif LAb[au] dont a plusieurs fois évoqué le travail ici-même, proposera ainsi une conférence sur l’"art des systèmes" à l’heure du croisement des disciplines et des mediums. Les belges, passés maître dans la fusion entre art, technologie et science, revendique le statut d’ “artistes systématiques”, opérant à l’intérieur et au croisement de systèmes : génératif, réactif, performatif etc.. À travers un panorama de l’évolution des pratiques ces dernières décennies, Lab[au) essaiera d’expliquer le passage, fondamental, du design industriel au “MetaDesign”.

Récemment, on a eu l’occasion d’évoquer ces problématiques avec le collectif lui-même.


The Creators Project : Comment prononce-t-on votre nom et que veut-il dire ?


Manuel Abendroth:
C’est Lab[au] (lab-o), donc évidemment un jeu de mot sur le laboratoire en français, mais si on le prononce en allemand (LaBau, comme dans ‘Bauhaus’), ça signifie “construction”. Notre nom est donc un jeu de mots dans un jeu de mots en plusieurs langues. Il signifie surtout qu’on est un espace de production, de recherché et de construction déléguée.


Comment avez-vous commencé ?


Nous sommes trois dans le studio et nous venons tous de l’architecture à l’origine, mais plus on s’est intéressés à la technologie, plus on s’est déplacés de nos premiers projets architecturaux. Nos projets demeurent toutefois fondés sur une réflexion architecturale et je dirais même que beaucoup de nos installations proposent des éléments de réflexion et de dessin sur la ville. La plupart de nos travaux et installations ont un arrière-fond très architectural, et on continue de penser qu’on a encore quelque chose à dire et à faire dans l’architecture, mais dans un sens très large.
On travaille ensemble depuis 2007, à Bruxelles, et depuis 2003 nous avons aussi notre propre galerie, MediaRuimte, où nous exposons de l’art numérique et de l’art experimental, aussi entendus dans un sens assez large.


Que pensez-vous du rapport entre architecture et technologie ? Il a dû changer changer ces derniers temps. 


Oui. D’une façon générale, je dirais que l’architecture a toujours entretenu un rapport étroit avec la technologie. La référence la plus évidente est évidemment le Bauhaus.. On voit à quel point l’évolution de l’industrie a transformé la production et a transformé, à une échelle plus élémentaire, notre façon d’aborder les choses, de penser les choses. Ils ont eu une influence décisive sur l’architecture, mais aussi sur l’art et le design. Le design industriel vient du Bauhaus, par exemple. Si on prend quelqu’un comme Le Corbusier, et qu’on regarde son “poème électronique” (Philips Pavilion, 1958), où Xenakis et lui ont dessiné un pavillon entire qui ressemble à des vagues sonores. Ce projet repose beaucoup sur la technologie et il a change notre façon de penser les réalisations architecturales. Donc tout cela n’est pas complètement nouveau. Bien sûr, plus la technologie accélère son développement, plus elle intervient.


Ok, mais je me demande si l’architecture en elle-même va se transformer d’une façon ou d’une autre pour s’adapter à ce genre de comportements ?

Bien sûr. Je dirais que le « numérique » est ce avec quoi on travaille, mais bien sûr on travaille avec concrètement. Prenons par exemple la Dexia Tower, gratte-ciel qu’on illumine. Les gens pourront interagir en temps réel avec la tour et composer des formes graphiques sur l’immeuble en temps réel, ensuite prendre une photo et avoir une carte postale de ce à quoi le bâtiment ressemblait dans le paysage urbain. Ce qui est intéressant dans ce procédé selon moi, est qu’on se demande vraiment, « qu’est ce que l’espace public ? » Quelle est la relation entre les citoyens, le bâtiment et la ville ? Ou quels sont les éléments qui font l’espace public ? Dans ce cas-là [à travers le procédé d’interaction] ça devient cet immense gratte-ciel – le deuxième plus haut de Bruxelles, incomparable avec New York mais quand même… C’est haut. La communication entre la personne et le bâtiment est publique, visible de n’importe où en ville.


Je suis intrigué par cette idée de technologie qui redéfinit l’espace public. Qu’est-ce que ça veut dire ?

La question est : « que sera l’espace public ? » Par exemple, prenons en compte une bibliothèque municipale. Qu’est-ce qu’il se passera quand le bâtiment de la bibliothèque n’existera plus parce que tout est en ligne, tout est un navigateur sur ton laptop ? Quand la Mairie disparaîtra parce que tout est digitalisé et accessible par réseaux ? Que restera-t-il de « l’espace public ? » Qu’est-ce qui constituera l’espace public ? Quelle est la représentation de notre communauté ? Le design va donc se transformer, il y aura de nouvelles formes d’immeubles. Est-ce un immeuble entier ? Ou est-ce un écran ou un simple procédé devant mes yeux ?


Je me pose cette question parce que dans votre bio, quand vous dites que la technologie “transforme l’architecture et les structures temporelles”, je suis pas sûre de comprendre.


Je peux peut-être vous donner un exemple. Si vous prenez l’installation Binary Waves, une installation de 40 panneaux qui constitue une lumière cinétique qui s’étend dans un espace urbain où l’on mesure le flux urbain et l’environnement. L’information est utilisée pour contrôler le comportement cinétique de l’installation et le dispositif lumineux. En tant que telle, l’installation retranscrit le trafic urbain, mais bien évidemment ce trafic ce n’est pas seulement les voitures et les bus de nos jours, c’est aussi toute la communication électrique. La question devient alors: “comment allons-nous utiliser toutes ces données, tous ces flux qui passent maintenant dans l’air, et le rapprocher d’une pratique d’architecture ?”. Eten l’espèce, dans l’installation Binazy Waves, nous nous en servons comme d’un matériau et nous le visualisons, et d’un coup tout le monde comprend de quoi on parle.


Il vous arrive de voir des données numériques modifier notre environnement physique ? De quelle façon ?


C’est même pas une question de transformation à venir, la transformation se passe déjà. Il existe de nouveaux réseaux, des gens qui découvrent la ville de façon complètement différente parce qu’ils utilisent les réseaux sociaux. Ils ont leur propres bars, routes et points de rassemblements. Par exemple, des rave parties se sont déroulées en ville et elles étaient entièrement organisées par l’intermédiaire des réseaux sociaux. C’est là et on sait déjà les utiliser.


Est-ce que vous pouvez m’expliquer la notion de Meta Design? 


Vous savez, quand je parlais du Bauhaus, ils sont arrivés à l’idée d’un design industriel. Donc clairement c’est un rapport à la technologie – dans cet exemple c’est la manière dont les machines modifient notre façon de penser et produit une nouvelle architecture. Un peu plus loin dans l’histoire, vous avez la Ulm School of Design. Ces personnes pensaient non seulement au produit mais aussi au branding, tout tournait autour de la communication, ce qu’ils appelaient “design communication”. La notion de design a évolué de nombreuses façons au cours du XXe siècle, majoritairement au sein de ces deux écoles, donc il y a déjà une façon de définir le mot design, c’est bien sur sa définition qui va placer votre activité artistique dans une école, dans une certaine manière de faire.

On passe ensuite à la notion “meta”. Meta en science de l’information correspond ce qui est autour de l’information, en amont et en aval. Donc quand vous ouvrez votre navigateur et que vous ouvrez une page web, vous avez plusieurs choses. Mais c’est à vous de définir la façon dont ces choses vont se présenter à vous, tout est écrit en codes – c’est la meta information. C’est l’information sur l’information. L’information est traitée et dans ce cas, est présentée sur votre écran. Donc je pense que ce qui est intéressant c’est que plus nous allons vers des systèmes de design, plus le travail de l’artiste ou du designer se placera au niveau du meta, où nous dessinons soit le processus soit le produit final, et le produit est en fait le résultat du processus. Le designer travaille donc sur l’idée de système, de processus. C’est le chemin que nous empruntons pour aller vers le méta lab.


Interview : Julia Kaganskiy.

The Creators Project

interview Julia Kagansky & Manuel Abendroth

2011

Written and recorded interviews of and about the Belgian art studio LAb[au], art & language, art & architecture, digital art, conceptual art, and konkrete Kunst, 

LAb[au] is working on the relationship between: architecture & art - language & art, at the crossing of conceptual, concrete, and digital art.

official logo of LAb[au]
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